mercredi 16 septembre 2015

Sur la corde sensible je tends vers l'équilibre




Rien n’est figé, tout est tangible.
Des ténèbres surgit la lumière. Du feu ne reste qu'un amas de poussières.
Le temps est un parcours en équilibre.
L’équilibriste sur le fil de la vie, se déstabilise face à un mauvais évènement qui surgit

Il prend une claque en pleine face, se retourne et lance un majeure en l’air

A chaque expiration sa respiration s’accentue, sa pulsation cardiaque s’accélère

Il fuit en avant et laisse derrière lui s’effondrer la peine, la haine, la mauvaise rengaine qui le freinent  

Partout il y a des embuches, des pièges, des fossés, tout un ramassis de merde à s’injecter dans les veines

Regarde le soleil, suit l’horizon, reprends tes esprits à la lumière de ton flambeau qui guide ta raison

N’écoute pas les autres, qui s’exclament si fort mais ne sont pas à la hauteur de ton fort intérieur

Forteresse solide en mur de briques construite suite à un bric à brac d’histoires sordides

Braque le mauvais sens et anticipe les errances, pour trouver  à ton chemin le meilleur sens.

Pas de temps pour les regrets, trace le progrès au gré du vent et tire un trait sur l’itinéraire passé

Passe le relais à l’avenir, la marche est longue, négocie deux trois virages et tourne définitivement la page

A la page du jour n’oublie pas d’écrire liberté, envie et amour
 
 

dimanche 6 septembre 2015

Coupure lyrique entre les lignes

Chers lecteurs,
 
   Je me fraye un chemin entre ces articles publiés, afin de passer sur un autre genre de publication : l'écriture. Une écriture personnelle que je vous offre à lire, à réfléchir, à vous inspirer ou à détruire de votre mémoire. Après tout, tous les mots ne font pas échos. L'écho du cœur, c'est bien cette résonance qui est à la source de mes écrits. Style en prose :rimes suivies ou plus souvent alternées, j'aime la forme qui est agréable et fluide à l'oreille et le fond qui fait parler les cœurs. Je m'essaie aux jeux de mots parfois, je jongle entre  onomatopées, paradoxe, oxymore, métaphore et j'en passe. A vous de les détecter, d'en apprécier la forme et le fond. A vos oreilles, à vos cœur et à votre esprit, mesdames et messieurs.
 

Dessin de : Laura Zombie

 
 
L'arme à l'oeil , un papier, un crayon et une feuille ...
 
Ce n’était pas mielleux, mais à mille lieues de ce que je pouvais imaginer, à mes yeux c'était encore mieux : cette saveur de nectar d'un amour pieux.
En ce début d’été où tout paraissait merveilleux, oscillait la menace amie de l’angoisse, que ce conte vacille, se taille en vrille et devienne périlleux...
Hélas d’un coup de brise-glace tu as brisé la glace, en l'espace d'un instant fugace.
Reflétant ces moments intenses et épars hors de l’espace-temps, pour finir dans le néant d'une impasse ouvrant droit à une mauvaise passe, en dehors de tout sentiment.
Indifférence totale, donne à l'âme une couleur pâle, le cœur pleure de cette torpeur qui l'empoigne et rend otage les yeux de larmes.
L'arme à l'œil, mes armes fidèles sont le crayon et la feuille. Offrant des exutoires personnels de ces écueils recueillis sous un linceul de rêveries.
La fureur en guise de poigne, je reprends d'une main ferme cette joie de vivre qui s'éloigne et cette volonté impalpable qui me fuit en cavale.
Incompréhension pertinente, questionnements incessants, tergiversations envahissantes : l'esprit emmêlé de pensées fuyantes, résultantes d'une désillusion fulgurante, se perd dans des élucubrations délirantes, créant un dédale mental, finalement inspirant.
BANG ! Je me relève et retire le glaive de cet élan naturel mis en état de grève et décide définitivement de faire une trêve à cet immobilisme mièvre.
Cette machination aliénante laisse place à une liberté effervescente; déployant un électron déboulant vers un nouvel horizon; traqué de casses gueules, de brèches et d'ascensions : expérimentations salvatrices, créatrices d'antidotes réparatrices.
 
 
 
Tel un phœnix qui renaît de ses cendres.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

samedi 5 septembre 2015

« Go ask Alice » ou « L’herbe bleue" de Bétrice Sparks

« Go ask Alice » ou « L’herbe bleue » de Béatrice Sparks 
(1971)
Genre : récit autobiographique
( qui n'en est pas vraiment un)

    L’auteur de ce livre est une jeune fille âgée de quinze ans lorsqu’elle l’a rédigé. Celle-ci a souhaité garder l’anonymat. Les noms, les dates et les lieux ont été modifiés selon le désir de toutes les personnes mêlées à ce récit.
Incipit « Hier je me croyais la personne la plus heureuse de la terre, de toute la galaxie, de toute la création. Etait-ce seulement hier ou bien à des millions d'années-lumière ? Je pensais que l'herbe n'avait jamais eu d'odeur aussi verte, que le ciel n'avait jamais été aussi haut … »

   L’adolescente raconte durant une année son quotidien sous la forme d’un journal intime. C’est l’histoire d’une année peu ordinaire dans la vie de cette jeune fille, lors d’une soirée entre amis, elle consomme du LSD à son insu, elle y prend goût rapidement, à partir de là, l’aventure avec la drogue commence. Dans cette chronique personnelle, elle décrit sa vie de famille, qui tient une place importante tout au long du récit, elle raconte les épreuves difficiles vécues notamment lors du décès de son grand-père à qui elle tient énormément, et surtout son rapport avec la drogue. Hormis sa dépendance, l’histoire est assez banale pour une fille de son âge. Cette jeune fille est pleine d’amour, de doutes, de culpabilité. Elle nous exprime son mal-être, son rapport aux autres, sa tendresse et son attachement pour sa famille, ses sentiments amoureux. Ce qui est moins banale c’est  l’émerveillement qu’elle a pour la drogue ainsi que son rejet, sa hantise vis-à-vis de cette plaie qui va changer sa vie. L’adolescente nous ballade sur la partition des sentiments : joie, tristesse, peur, remord, honte, ce qui a le don de nous perdre parfois. Ne sachant pas toujours si c’est elle ou la drogue qui parle. Sûrement les deux.

Avis personnel :
    J’ai été étonné par la tournure que prend l’histoire. Je pensai que la jeune fille allait s’effondrer sous une consommation déraisonnée mais ce pas exactement ce qui se passe ou en tout cas l’auteur nous n’en donne pas l’apparence. Après avoir essayé une première fois, elle décide de ne plus y toucher, ayant pris conscience des effets néfastes que cela pouvait avoir sur elle et vis-à-vis de son entourage en général. Elle recommence une deuxième puis une troisième fois pour cesser définitivement. C’est avec ravissement et excitation qu’elle se prend au jeu suivi d’un sentiment de culpabilité qui finit par la ronger. C’est ce double effet qui est déconcertant. On passe ainsi de l’élévation à la chute, de l’envie au regret. Finalement, on ne sait pas discerner le vrai du faux. Même si le récit raconte des faits réalistes et ordinaires.

L’écriture est simple, descriptive et parfois même ennuyante par son manque de caractère, sa pâleur. L’auteur donne de nombreux détails concernant l’environnement où elle vit, pendant les moments qu’elle partage avec sa famille et sur ses émotions. Le lecteur a donc l’impression d’assister au film de sa vie. Il n’y a que lorsqu’elle est sous l’emprise de drogue qu’elle nous dessine avec profondeur et magnificence ce qu’elle voit, ressent, entend. Ses sens en exaltation donnent à l’écriture une certaine maturité, un lyrisme inspirant pour l’imagination du lecteur.

Par ailleurs, ce témoignage évoque aussi la souffrance que peut engendrer le regard de l’autre, l’isolement et le sentiment de rejet, la pression que la société peut exercer sur les jeunes et leur avenir et ma méchanceté de ceux qui ont pu précipiter la chute de la jeune fille.

La fin du récit laisse songeur et à vrai dire elle a eu l’effet d’une claque. Sans dévoiler comment s’achève cette histoire, elle m’a interrogé sur la part de vérité de cette autobiographie. Est-ce que l’auteur nous livre tout ce qui se passe réellement ? Ou cache-t-elle des détails qui ont en fait leur importance ? J’ai pensé qu’elle se fourvoyait quant à sa dépendance. Qu’elle n’en parlait pas pour ne pas l’admettre. Et vous qu’en pensez-vous ?

J'ai appris récemment que ce "journal intime" était un faux. Il a été écrit par Beatrice Sparks, américaine mormone et psychologue. Elle a écrit d'autres vrais-faux journaux sur des thèmes à sensation : la drogue, le sida, les adolescentes enceintes, etc. dans le but de mettre en garde les jeunes sur les risques.

Personnellement, je n’ai pas perçu ce livre comme un plaidoyer anti-drogue, visant à détourner les jeunes de ce qui est souvent défini comme un danger. Ce livre est le récit d’une histoire fictive mais qui peut prendre toute sa place dans la réalité. Certes, le dénouement peut remettre en question les esprits et les tendances de certains mais je ne pense pas que s’en est le but principal. Il s’agit ici d’une histoire de vie heureuse et tragique mais qui ne reflète pas tant la chute effrénée d’une jeune droguée de quinze ans mais plutôt l’éloignement de la jeune fille, de la drogue après avoir frôlé le précipice. C’est mon avis contrairement à de nombreux autres points de vue que j’ai pu lire et qui rejoignent pour la majorité la première opinion. Raison pour laquelle la fin du récit m’a surprise. Laissant planer un mystère. C’est ça aussi qui fait le charme d’une histoire, quand un point final est suivi de questionnements, de doutes et ouvre des portes sur la réflexion. Je dirai de ce livre qu’il fait réfléchir plutôt que sensibiliser.

Quelques citations :

«J’ai dansé comme jamais je n’aurai pensé en être capable, je ne reconnaissais plus du tout la pauvre petite complexée, minable que je suis ! J’étais bien, heureuse, libre, abandonnée, un être différent et amélioré, dans un monde plus beau, plus parfait. C’était dingue ! C’était beau ! Vraiment fantastique. » P 44

« Je voulais être battue, déchirée, défoncée comme jamais. » P 80

« J’ai peut-être surmontée le plus mauvais moment. Je l’espère, en tout cas, parce que je sais que je n’aurai jamais la force ni la volonté de repasser par là. « P 92

« Je sais maintenant que je pourrai résister à la tentation de la drogue même si je me noyais dans du LSD. » P 178

vendredi 4 septembre 2015

Contes de la folie ordinaire de Charles Bukowski

 
Contes de la folie ordinaire de Charles Bukowski (1983)
Titre original : Erection, éjaculations, exhibitions and
general tales of ordinary Madness
 
 Genre : Nouvelles
 
 

En octobre 1978, Charles Bukowski se rend en France pour participer à l’émission littéraire Apostrophes de Bernard Pivot. Il boira en direct les deux bouteilles de vin blanc qui lui avait été fournies par la chaîne, "sèmera la pagaille", et devra être évacué du plateau. 
 
Selon moi, ce bon vieux Charles n'a pas dérangé le déroulement de l'émission. Sans occulter le fait de son état alcoolisé, il n'a tenu aucune vulgarité. Il a seulement tenté de s'exprimer et de répondre aux questions qui lui ont été posées avec un soupçon de provocation, ce qui a  déplu aux codes de "bonnes conduites". Le propos qui va suivre, illustre bien le caractère décalé et hors norme de Bukowski. Son intelligence est non pas de ne pas rentrer dans le rang mais  d'interroger les règles établis qui le compose.
 
Dans un entretien que Charles Bukowski a accordé à Jean-Fançois Duval en 1986, concernant son passage dans l'émission  :    
Charles Bukowski. Ha ! Ha ! Ha ! Je me fous toujours dans des situations pas possibles. Mais quelle coterie de snobs ! C'était vraiment trop pour moi. Vraiment trop de snobisme littéraire. Je ne supporte pas ça. J'aurais dû le savoir. J'avais pensé que la barrière des langues rendrait peut-être les choses plus faciles. Mais non, c'était tellement guindé. Les questions étaient littéraires, raffinées. Il n'y avait pas d'air, c'était irrespirable. Et vous ne pouviez ressentir aucune bonté, pas la moindre parcelle de bonté. Il y avait seulement des gens assis en rond en train de parler de leurs bouquins ! C'était horrible... Je suis devenu dingue.        

   
     Charles Bukowski est né en 1920 en Allemagne et mort en 1994 en Californie. Agé de deux ans, ses parents émigrent aux Etats-Unis. Charles Bukowski a vécu une enfance douloureuse, il a subit la violence de son père jusqu’à le mettre K-O lui-même à l’âge de 17 ans. Il quitte ensuite le domicile familial pour vivre dans des hôtels et autres endroits où le confort n’est pas de mise. L’adolescent flirte avec la bouteille, la « gnole » comme il l’habitude de l’appeler. C’est dans l’ivresse de la boisson et de la misère que Charles trouve son inspiration pour écrire. Pour vivre, il enchaine les petits boulots dont il se fait renvoyer rapidement. A 40 ans il publie, il publie son premier livre, un recueil de poèmes, intitulé Flower, Fist and Bestial Wail (Fleur, Poing et Gémissement Bestial)

Il fut postier pendant 11 années au bout desquelles il démissionnera à 49 ans, pour se consacrer à l’écriture. La boisson et sa radio comme acolytes. Charles Bukoski est souvent associé à la « Beat Génération », il s’inspire d’ailleurs des œuvres d’Ernest Hemingway, mais il n’en est rien. Charles Bukowski fait partie du genre Bukowski. Il est son propre style, sa propre écriture, son propre mouvement d’âme. Il se raconte dans ses récits sans pudeur ni retenu. Charles Bukowski ne rentre dans aucune catégorie, dans aucun genre et c’est ce qui fait de lui un auteur hors-norme. D’ailleurs il n’aime pas vraiment les conventions. Même avec la notoriété, il refuse d’intégrer le monde littéraire qu’il trouve ennuyeux et snob. Charles Bukowski ne s’explique pas il se lit.
     Dans « Conte de la folie ordinaire », Charles Bukowski parle de son quotidien avec les femmes, le vin et l’écriture. Il confie ses angoisses, son amour pour les femmes, ses désirs sexuels, sa misère de vivre et d’aimer, son mépris pour les autres et pour lui-même. Ces nouvelles sont découpées en vingt-et-un portraits au vitriol, à l’état brut. Bukowski ne mâche pas ses mots, il éjacule ce qu’il a dans les tripes sans crainte de heurter le lecteur et c’est ce qui le rend attachant, fascinant, jubilatoire. Son indélicatesse virulente pour envoyer valser les conventions, son sexisme dérangeant, son franc parlé déroutant, sa provocation constante, sa tendresse animale, c’est tout ça Bukowski. Un écrivain touchant, admiratif qui se met à nu, sans se cacher derrière des allusions, des subtilités, des faux-semblants. Avec Bukowski on ne sait jamais à quoi s’attendre, il nous prend au tournant et nous entraine dans ses aventures lyriques avec la gnôle, le sexe, la déroute mais aussi l’amour et la poésie. Son écriture est imbibée d’alcool, de douceur, de désespoir, de révolte et de passion.

Entre réalités et fantasmagories, mensonges, vérités, divagation et abus d'alcool Charles Bukowski est infecte, détestable, ignoble, exécrable mais délicieusement jubilatoire. Il décrit une Amérique profonde en pleine crise et balance la baise dans la misère et la folie sociale. Bukowski est aussi un juste visionnaire : il dénonce le capitalisme vicieux, le pouvoir pervers du gouvernement et l’abrutissement du conformisme ambiant. Bukowski agit et pense seul, il a une lucidité incroyable du monde et de lui-même. Bukowski c’est « de la réalité mise en scène », comme il le dit lui-même.

Bukowski est addictif, comme peut l’être la boisson, la drogue ou l’amour. Il nous parle de la vie dans tous ses états, il l’a retourne dans tous les sens, il fou un joyeux bordel dans l’existence humaine avec ses pensées piquées à vif. Il dézingue les habitudes, il brouille les codes sociaux et il se fiche de la bienséance. C’est homme inspire l’admiration malgré sa misogynie, son mépris de la société et des hommes, malgré son intolérance désinvolte et ses excès.

Bukowski peut-être écœurant pour certain et bandant pour d’autres. Je fais partie de la deuxième catégorie. Lire Bukowski nous fait redouvrir la vie avec sa misère, ses plaies, ses jouissances et son absurdité.

Plus simplement on pourrait dire que Bukowski c’est : du cul, du cul et du cul ! Car il aime la chair, les nichons, la branlette. Il parle de son chibre comme s’il parlé de son animal de compagnie. Bukowski c’est aussi ça, le sexe sous toutes ses coutures et dans toutes les positions. Il picole, il baise, il enfourne sa bite dans des gros culs et vomis sa verve de vieux dégelasse dans toutes les villes qu’il cuve.

Enfin, avec Bukowski il faut savoir lire entre les lignes. Derrière la brutalité de son vocabulaire, l’apparence simpliste de certains passages, ce mec est un intellectuel dont la culture se mesure à son talent. Il a compris la folie de ce monde et la merde qui y est déversée. Il connait les pièges qui nous enrobent dans le système et prend un certain plaisir à assumer sa marginalité. Bukowski est décalé de l’ordinaire mais il a l’esprit ancré dans la réalité.

« Les Contes de la folie ordinaire » secouent notre conscience de lecteur et nous questionnent. Dans ces vingt tranches de vie, de rencontres, d'étreintes et de fuites vers des contrées éthyliques, Bukowski inscrit dans le temps vingt souvenirs, vingt fantasmes ou vingt élucubrations d'un désabusé qui croit plus en la profondeur de la chair qu'en celle de l'homme. La chair pour panser la solitude, l'alcool pour noyer la misère.

« Maintenant, oubliez-moi, chers lecteurs, je retourne aux putes, aux bourrins et au scotch, pendant qu'il est encore temps. Si j'y risque autant ma peau, il me paraît moins grave de causer sa propre mort que celle des autres, qu'on nous sert enrobée de baratin sur la Liberté, la Démocratie et l'Humanité, et tout un tas de merdes. »
 

"Il n’y a rien que des mauvais ou des très mauvais gouvernements."
 
"– Et toi, tu es paranoïaque ?
– Evidemment, comme tous les gens normaux."
 
 

 

Sous le toit du monde de Bernadette Pécassou

 


 
Sous le toit du monde de Bernadette Pécassou (2013)
Genre : roman inspiré d’un fait réel

« Que l’on soit puissant ou misérable, à Katmandou ou à Paris, ou n’importe où sur cette planète, le destin est chargé de violences qui frappent au hasard et emportent les êtres humains telles des poussières au vent. »

    Bernadette Pécassou est journaliste et romancière. Elle réalise des reportages et documentaires et est l’auteur de sept romans dont celui que je présente.

    L’histoire de ce roman se situe suite au drame qui a eu lieu le soir du 1er juin 2001 au Népal : le roi du Népal est assassiné avec les siens dans son palais à Katmandou. Le massacre emporte également la princesse âgée de 20 ans, décapitée d’un seul coup de lame. Le monde entier est sous le choc et c’est une vague d’effroi qui s’abat sur le pays et sa population. En juillet 2001, un nouveau gouvernement est formé et un accord entre le gouvernement et la rébellion maoïste met un terme provisoire aux actions violentes au Népal. Mais le parti maoïste ne tarde pas à semer le trouble une nouvelle fois. Le pays se trouve dans un contexte difficile : fragilité du système économique, extrême pauvreté, illettrisme, fragmentation ethnique, fort taux de croissance démographique. Le Népal chemine durement vers un état démocratique.

C’est dans ce contexte que Bernadette Pécassou nous raconte l’histoire de Karan, un jeune français d’origine Népalaise et d’Ashmi, une jeune étudiante originaire des hautes montagnes. Leur rencontre est le point central du roman. Ashmi vient d’une famille de paysans, son père et son frère ont été tué dans leurs rizières tandis que sa mère s’est laissée mourir, ne supportant pas leurs absences… Grâce à une aide humanitaire, la jeune fille accède à l’Université et voit là l’opportunité de  fuir la misère, les violences et le travail forcé qui constituent le quotidien de son village natal. C’est une nouvelle vie qui s’offre à elle.

A l’université, Ashmi rencontre Karan, venu au Népal pour renouer avec ses origines et qui a pour ambition de fonder un journal afin d’aider son pays à combattre les injustices et les inégalités tout en instaurant une société démocratique. Pour ce faire, il souhaite former des étudiantes à devenir journaliste. Il veut combattre leur soumission et voient en elle une forme de pouvoir, d’intelligence et de noblesse. D’abord perplexe, Ashmi tente l’expérience et fais ses premiers pas à la rédaction d’un journal local. Sa venue sera critiquée, décriée, incomprise mais qu’importe, c’est avec détermination et passion que Karan et Ashmi vont travailler ensemble, pour servir la cause des femmes et bousculer les codes établis au risque de se perdre… Ashmi impressionne, elle se montre audacieuse et va enquêter sur le terrain , même novice dans ce métier, elle récolte des informations que d'autres plus aguerris n'ont pas pu avoir , remet en question des sujets fragiles tels que le statut des femmes dans la société ou la spoliation des terres durant les années de guerre.
 

Avis personnel :
Bernadette Pécassou s’est documentée sur l’histoire socio-politique du Népal, sur la place des femmes et la lutte des castes qui sévie dans le pays. Ce roman est inspiré de faits réels, ce qui rend l’histoire pertinente. Malgré des descriptions détaillées qui donnent de la longueur au récit, le recueil journalistique et l’écriture romancière nous livrent un roman appréciable et captivant. Concernant la structure du roman, nous découvrons l’histoire sous différents points de vue internes et chaque personnage nous livre des détails de son histoire personnelle mais aussi de leurs rencontres, qui offre des dialogues. L’auteure utilise un vocabulaire riche et parfois brut pour décrire la pauvreté et les émotions des personnages, ce qui donne une certaine froideur à l’histoire.  J’ai été admirative du parcours des personnages, de leurs convictions pour lutter contre les traditions et  changer le sort des femmes Népalaises. Les deux protagonistes sont complémentaires à travers leurs idées et leurs engagements. J’ai été frappé par la dureté et la misère de la vie des paysans dans l’arrière-pays. Par ailleurs, on découvre l’attraction très présente de l’alpinisme des sommets Himalayens et la face cachée du tourisme, ses dérives : les déchets entassés qui polluent les montagnes. Ce roman ouvre les consciences sur la répression de la femme et la corruption du gouvernement qui existe encore aujourd’hui au Népal et ailleurs.

Le savoir est une arme et peut donner la volonté de changer les choses. A partir de là, on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas. Je pense que l’homme se sert parfois de l’ignorance pour feindre son devoir d’homme : celui d’agir contre l’injustice et la déshumanité qui l’entoure. Je ne dis pas de révolutionner le monde ou de changer les lois : c’est utopiste à ce niveau mais d’amoindrir chaque injustice qu’il rencontre autant qu’il le peut. Nous ne sommes pas des super-héros et ne pouvons être partout pour tout le monde. Agir sur soi et sa pensée est déjà un travail majeur à accomplir. Les médias et les cultes ne vous donneront pas cette lucidité.

Quelques citations :

« Les étudiantes qu’il avait rencontrées seraient selon lui les plus fiables parce qu’elles ne viennent pas des castes élevées. Elles ont quitté leurs villages et leurs familles, ont poursuivi et terminé leurs études dans des conditions extrêmes et surtout parce qu’elles sont déconnectées de tout réseaux. Le pays a besoin d’intelligences libres » P 81

« Sur ces pentes arides où soufflent des vents de glace, l’homme n’a aucun répit. Il ne connaît que la lutte et la peur. Peur des pluies diluviennes et des coulées de boue qui emportent les rizières et les sentiers si difficilement construits au flanc des montagnes, peur des froids mortels, peur des maladies qui surgissent d’un coup et se propagent emportant des familles entières et même des villages. Peur de ne pas avoir assez de riz pour tenir jusqu’à la prochaine récolte. La lutte est millénaire et incessante. » P 107

« Aujourd’hui, contre tout, contre le salut de son âme et contre les souvenirs, contre les siens, contre les traditions et la morale qui lui commandent de rester et de faire le sacrifice de sa vie, elle choisit de partir et de sauver sa peau. »  P 155
 
Interview de l'auteur à propos de l'œuvre :
 

Flash ou le grand voyage de Charles Duchaussois


 
Flash ou le grand voyage de Charles Duchaussois (1971)
Genre : Récit autobiographique

    Charles Duchaussois est né en janvier 1940 et vit à Paris durant son enfance. Âgé de quatre mois, il reçoit un éclat d’obus dans l’œil lors d’un bombardement, ce qui le laissera borgne. Ce détail est cité régulièrement au fil de son récit. En Novembre 1962, il décide de quitter Paris pour partir à Marseille en stop, tout seul. C’est alors que l’aventure commence…

    De Marseille au Liban, d’Istanbul à Bagdad, de Bombay à Bénarès pour enfin atteindre Katmandou ; haut lieu de la vague hippies et de la drogue, Charles Duchaussois nous conte son aventure.
Un voyage avec la drogue, le flash, la dépendance mais aussi une découverte identitaire, profonde et déconcertante. Il s’associe au trafic d’armes à Beyrouth, il participe à la récolte du Haschich au Liban, il dirige un night-club à Koweït, il devient quelques temps médecins des paysans des contreforts de l’Himalaya. Enfin, il s’immisce dans l’univers de la drogue à Katmandou : l’opium et le haschich qui font « planer »,le « flash » de la première piqûre, le « grand voyage » du LSD. Charles Duchaussois repousse les limites jusqu’à la mort.
 
Ce récit autobiographique a été enregistré par l’auteur sur dix-huit bandes magnétiques et envoyées aux éditions Fayard en 1970. Tout au long de son périple, Charles Duchaussois a livré ses ressentis, ses découvertes à travers des états d’esprits différents. Ce qui nous offre une sorte de carnet de voyage frissonnant, haletant et empreint d’émotions. Il décrit son expérience avec ses tripes, à cœur ouvert, l’esprit et le corps chargés de substances.

Le récit est narré à la première personne du singulier et ponctué de dialogues entre l’auteur et les personnes qu’il a rencontré au cours de son voyage. Certaines auront une place importante tout au long de sa vie. On y retrouve un lexique spécifique au thème de la drogue. L’auteur nous informe sur différentes substances : leurs caractéristiques, leurs effets et les risques qu’elles peuvent engendrer mais aussi sur le commerce de la drogue, leur culture et leur légalisation dans différents pays. 

Avis personnel :
Charles Duchaussois nous confronte, nous lecteur passif, aux tourments du voyage sous acide, à la dépendance pulsionnelle, à la peur de l’autre et de soi, à la défiance des règles établies, à la crainte de mourir ou de ne pas survivre. Il nous emmène dans sa quête personnelle ou il côtoie la misère, le désarroi, la maladie mais aussi l’amour, l’extase des sens et les relations humaines. Charles Duchossois a la capacité de nous plonger avec lui dans son histoire, la tête sous l’eau, comme en apnée. Je me suis attachée à l’auteur et à son histoire de vie. Malgré ses excès, ses prises de risques et ses travers, je lui ai découvert une sensibilité, une empathie et une force incroyable. J’ai retrouvé un profond humanisme chez cet homme et à la fois une mise en danger délirante. Ce récit m’a donné le goût de la lecture par la richesse des émotions décrites et la beauté des expériences vécues. C’est un voyage à chaque lecture. Jamais le même. Ce récit brise des idées reçues sur la drogue autant qu’il peut en appuyer. L’histoire ne fait pas peur, elle impressionne par son oscillation entre réalité et folie.

La postface du livre raconte le retour de l’auteur à Paris et s’achève sur cette confession : « Maintenant il me faut réapprendre à vivre. Et pour ça, il faudrait que j’aie le courage de me désintoxiquer. Je tâte mon sac où j’ai mon héroïne et ma méthédrine. Ce courage, est-ce que je l’aurai ? … » P473

Quelques citations :

« Il n’y a que la piqûre - la piqûre, le shoot ou le fixe - qui donne le flash. Voilà pourquoi tout vrai drogué, un jour ou l’autre en arrive finalement à la piqûre. Et devient un junkie. Un Dieu. Ou une loque. Au choix. » Préface

« A Katmandou au temps dont je parle, la vie n’est pas la vie ordinaire. Les actes les plus ahurissants, les conversations les plus démentielles, les excès les plus énormes sont monnaie courante. Nous sommes une petite société qui vivons dans une ivresse permanente, celle des dizaines de drogues de toutes sortes que nous fumons, mangeons, prisons, nous distillons dans les veines… le rythme solaire n’existe plus…. Le normal n’existe plus. C’est l’anormal qui le devient. » P 167

« Elle me prend la pipe des mains, se l’allume et hop, en avant la « planète » à deux, assis là, en plein marché de Katmandou…. » P 180
 
"Ecoutez ce que la méthédrine à outrance peut faire germer dans l'esprit d'un drogué :
"Être ou ne pas être ?
Si bas mais vaste monde
Fais donc crier à la ronde
De tes pores crachants
En tes abysses angoissants
Par tes déserts brûlants
Sur tes océans grondants
Que le plaisir de te fouler
En un sain matin de rosée
Sous ton aura de lumière
Brillante de mille poussières
Ne doit jamais faire oublier
A l'orgueilleux aux deux pieds
Que lui passe et trépasse
Sur ta peau qui jamais ne se lasse"  P457-458

 
Flash ou le grand voyage a été adapté en BD par Thomas Koltarek et JEF et paru en septembre 2013.
Voici la bande d'annonce de la BD : https://youtu.be/X1_zmdvtQYA

 
Extrait de la bande dessiné "Flash ou le grand voyage" de Thomas Koltarek et JEF

 
 

Une saison de machettes de Jean Hatzfeld



 Une Saison de Machettes
de Jean Hatzfeld (2001)
Genre : Récit

       Né à Madagascar en 1949, Jean Hatzfeld, journaliste a parcouru durant plus de vingt ans des régions en guerre, en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Afrique. Il a séjourné plusieurs mois au Rwanda, depuis le génocide, où il a recueilli les témoignages des rescapés.

    Une saison de machette raconte le génocide Rwandais qui a eu lieu en 1994 et durant lequel s’affronte deux ethnies : les hutus et les tutsis. Les hutus étant les acteurs de ce drame humain, Jean Hatzfeld leur a donné la parole dans une prison du Rwanda. Ces hommes témoignent sans filtre, sans souci d’atténuer leur responsabilité. C’est ce qui à mon sens, d’une Saison de machettes, un livre terrible, dérangeant et réaliste. Au-delà de ce que peut refléter les médias, l’auteur nous offre un récit journalistique basé sur des témoignages réels et sans interprétations.

Le récit est découpé en une dizaine de chapitres qui annoncent le commencent de la tuerie, son organisation jusqu’à sa fin et le sentiment des hutus à l’égard de leurs actes. L’auteur évoque aussi le regard porté sur les femmes, la religion, la vie en groupe et il nous amène à comprendre la psychologie du tueur durant ce génocide. Le récit est rédigé sous la forme narrative ou sous la forme personnel du « je ». Ce qui donne l’impression d’être face à la personne qui témoigne son histoire. Le style d’écriture est simple, réaliste et détaillé.

Ce récit nous apprend également l’histoire de cette période avec la chronologie des évènements. Il nous informe sur la culture africaine, les rites et le vocabulaire et expressions typiques utilisés par les habitants. L’auteur nous dépeint le portrait et le parcours de chaque prisonnier interrogés qui sont pour la plupart, libérés aujourd’hui.

Avis personnel :
Ce récit m’a marqué par la force de son (effroyable) réalisme. J’y ai appris que tuer était devenu machinal et instinctif pour ces hommes. Tels des robots commandés qui n’obéissent qu’à des dictats et des règles. Tuer pour mieux régner, tuer pour susciter un sentiment de pouvoir, un devoir de préservation de son être, de son appartenance à un groupe, de ses terres. « L’homme est un loup pour l’homme » ; cette citation résume bien le mode de fonctionnement des hutus. On peut dire d’eux qu’ils sont fous, sanguinaires, sans cœurs ni conscience et éperdument inhumains. Mais qu’est  qu’être humain quand on ne réfléchis pas par soi-même ? Lorsque l’esprit est enrôlé par une force extérieure, celui-ci n’est plus capable de lucidité. J’ai été surprise par les regrets des hutus et leur pardon imploré auprès des victimes, de leur famille ainsi que de leur divinité. La plupart d’entre eux vivent avec la honte, le remord et l’espoir d’assouvir leur pêchés pour retrouver une sérénité intérieure. Je pense que ni leur peine achevée, ni leur liberté ne pourra atténuer la cruauté dont ils ont été capables.
 
Quelques citations :

« Pancrace : Tuer, c’est très décourageant si tu dois prendre toi-même la décision de le faire, même un animal. Mais si tu dois obéir à des consignes des autorités, si tu as été convenablement sensibilisé, si tu te sens poussé et tiré ; si tu vois que la tuerie sera totale et sans conséquences néfastes dans l’avenir, tu te sens apaisé et rasséréné. Tu y vas sans plus de gêne. » p 55

« Elie : On n’avait pas à choisir entre les hommes et les femmes, les nourrissons et les anciens ; tout le monde devait être abattu avant la fin. » p 135
 
Les protagonistes du récit