Sous le toit du monde
de Bernadette Pécassou (2013)
Genre : roman inspiré d’un fait réel
« Que l’on soit
puissant ou misérable, à Katmandou ou à Paris, ou n’importe où sur cette
planète, le destin est chargé de violences qui frappent au hasard et emportent
les êtres humains telles des poussières au vent. »
Bernadette Pécassou est journaliste et romancière. Elle
réalise des reportages et documentaires et est l’auteur de sept romans dont
celui que je présente.
L’histoire de ce roman se situe suite au drame qui a eu
lieu le soir du 1er juin 2001 au Népal : le roi du Népal est
assassiné avec les siens dans son palais à Katmandou. Le massacre emporte
également la princesse âgée de 20 ans, décapitée d’un seul coup de lame. Le monde
entier est sous le choc et c’est une vague d’effroi qui s’abat sur le pays et
sa population. En juillet 2001, un nouveau gouvernement est formé et un accord
entre le gouvernement et la rébellion maoïste met un terme provisoire aux
actions violentes au Népal. Mais le parti maoïste ne tarde pas à semer le
trouble une nouvelle fois. Le pays se trouve dans un contexte difficile : fragilité
du système économique, extrême pauvreté, illettrisme, fragmentation ethnique,
fort taux de croissance démographique. Le Népal chemine durement vers un état
démocratique.
C’est dans ce contexte que Bernadette Pécassou nous raconte
l’histoire de Karan, un jeune français d’origine Népalaise et d’Ashmi, une
jeune étudiante originaire des hautes montagnes. Leur rencontre est le point
central du roman. Ashmi vient d’une famille de paysans, son père et son frère
ont été tué dans leurs rizières tandis que sa mère s’est laissée mourir, ne
supportant pas leurs absences… Grâce à une aide humanitaire, la jeune fille accède
à l’Université et voit là l’opportunité de fuir la misère, les violences et
le travail forcé qui constituent le quotidien de son village natal. C’est une
nouvelle vie qui s’offre à elle.
A l’université, Ashmi rencontre Karan, venu au
Népal pour renouer avec ses origines et qui a pour ambition de fonder un journal afin d’aider son pays à combattre
les injustices et les inégalités tout en instaurant une société démocratique.
Pour ce faire, il souhaite former des étudiantes à devenir journaliste. Il veut
combattre leur soumission et voient en elle une forme de pouvoir,
d’intelligence et de noblesse. D’abord perplexe, Ashmi tente l’expérience et
fais ses premiers pas à la rédaction d’un journal local. Sa venue sera
critiquée, décriée, incomprise mais qu’importe, c’est avec détermination et
passion que Karan et Ashmi vont travailler ensemble, pour servir la cause des
femmes et bousculer les codes établis au risque de se perdre… Ashmi impressionne, elle se montre audacieuse et va enquêter sur le terrain , même novice dans ce métier, elle récolte des informations que d'autres plus aguerris n'ont pas pu avoir , remet en question des sujets fragiles tels que le statut des femmes dans la société ou la spoliation des terres durant les années de guerre.
Avis personnel :
Bernadette Pécassou s’est documentée
sur l’histoire socio-politique du Népal, sur la place des femmes et la lutte
des castes qui sévie dans le pays. Ce roman est inspiré de faits réels, ce qui
rend l’histoire pertinente. Malgré des descriptions détaillées qui donnent de
la longueur au récit, le recueil journalistique et l’écriture romancière nous
livrent un roman appréciable et captivant. Concernant la structure du roman,
nous découvrons l’histoire sous différents points de vue internes et chaque
personnage nous livre des détails de son histoire personnelle mais aussi de leurs
rencontres, qui offre des dialogues. L’auteure utilise un vocabulaire riche
et parfois brut pour décrire la pauvreté et les émotions des personnages, ce
qui donne une certaine froideur à l’histoire. J’ai été admirative du parcours des personnages,
de leurs convictions pour lutter contre les traditions et changer le sort des
femmes Népalaises. Les deux protagonistes sont complémentaires à travers leurs idées et leurs
engagements. J’ai été frappé par la dureté et la misère de la vie des paysans dans
l’arrière-pays. Par ailleurs, on découvre l’attraction très présente de
l’alpinisme des sommets Himalayens et la face cachée du tourisme, ses dérives : les déchets entassés qui polluent les montagnes. Ce roman
ouvre les consciences sur la répression de la femme et la corruption du
gouvernement qui existe encore aujourd’hui au Népal et ailleurs.
Le savoir est une arme et peut donner la volonté de changer
les choses. A partir de là, on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas. Je
pense que l’homme se sert parfois de l’ignorance pour feindre son devoir
d’homme : celui d’agir contre l’injustice et la déshumanité qui l’entoure.
Je ne dis pas de révolutionner le monde ou de changer les lois : c’est utopiste
à ce niveau mais d’amoindrir chaque injustice qu’il rencontre autant qu’il le
peut. Nous ne sommes pas des super-héros et ne pouvons être partout pour tout
le monde. Agir sur soi et sa pensée est déjà un travail majeur à accomplir. Les
médias et les cultes ne vous donneront pas cette lucidité.
Quelques citations :
« Les étudiantes qu’il
avait rencontrées seraient selon lui les plus fiables parce qu’elles ne
viennent pas des castes élevées. Elles ont quitté leurs villages et leurs
familles, ont poursuivi et terminé leurs études dans des conditions extrêmes et
surtout parce qu’elles sont déconnectées de tout réseaux. Le pays a besoin
d’intelligences libres » P 81
« Sur ces pentes
arides où soufflent des vents de glace, l’homme n’a aucun répit. Il ne connaît
que la lutte et la peur. Peur des pluies diluviennes et des coulées de boue qui
emportent les rizières et les sentiers si difficilement construits au flanc des
montagnes, peur des froids mortels, peur des maladies qui surgissent d’un coup
et se propagent emportant des familles entières et même des villages. Peur de
ne pas avoir assez de riz pour tenir jusqu’à la prochaine récolte. La lutte est
millénaire et incessante. » P 107
« Aujourd’hui,
contre tout, contre le salut de son âme et contre les souvenirs, contre les
siens, contre les traditions et la morale qui lui commandent de rester et de
faire le sacrifice de sa vie, elle choisit de partir et de sauver sa peau. »
P 155
Interview de l'auteur à propos de l'œuvre :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire