samedi 5 septembre 2015

« Go ask Alice » ou « L’herbe bleue" de Bétrice Sparks

« Go ask Alice » ou « L’herbe bleue » de Béatrice Sparks 
(1971)
Genre : récit autobiographique
( qui n'en est pas vraiment un)

    L’auteur de ce livre est une jeune fille âgée de quinze ans lorsqu’elle l’a rédigé. Celle-ci a souhaité garder l’anonymat. Les noms, les dates et les lieux ont été modifiés selon le désir de toutes les personnes mêlées à ce récit.
Incipit « Hier je me croyais la personne la plus heureuse de la terre, de toute la galaxie, de toute la création. Etait-ce seulement hier ou bien à des millions d'années-lumière ? Je pensais que l'herbe n'avait jamais eu d'odeur aussi verte, que le ciel n'avait jamais été aussi haut … »

   L’adolescente raconte durant une année son quotidien sous la forme d’un journal intime. C’est l’histoire d’une année peu ordinaire dans la vie de cette jeune fille, lors d’une soirée entre amis, elle consomme du LSD à son insu, elle y prend goût rapidement, à partir de là, l’aventure avec la drogue commence. Dans cette chronique personnelle, elle décrit sa vie de famille, qui tient une place importante tout au long du récit, elle raconte les épreuves difficiles vécues notamment lors du décès de son grand-père à qui elle tient énormément, et surtout son rapport avec la drogue. Hormis sa dépendance, l’histoire est assez banale pour une fille de son âge. Cette jeune fille est pleine d’amour, de doutes, de culpabilité. Elle nous exprime son mal-être, son rapport aux autres, sa tendresse et son attachement pour sa famille, ses sentiments amoureux. Ce qui est moins banale c’est  l’émerveillement qu’elle a pour la drogue ainsi que son rejet, sa hantise vis-à-vis de cette plaie qui va changer sa vie. L’adolescente nous ballade sur la partition des sentiments : joie, tristesse, peur, remord, honte, ce qui a le don de nous perdre parfois. Ne sachant pas toujours si c’est elle ou la drogue qui parle. Sûrement les deux.

Avis personnel :
    J’ai été étonné par la tournure que prend l’histoire. Je pensai que la jeune fille allait s’effondrer sous une consommation déraisonnée mais ce pas exactement ce qui se passe ou en tout cas l’auteur nous n’en donne pas l’apparence. Après avoir essayé une première fois, elle décide de ne plus y toucher, ayant pris conscience des effets néfastes que cela pouvait avoir sur elle et vis-à-vis de son entourage en général. Elle recommence une deuxième puis une troisième fois pour cesser définitivement. C’est avec ravissement et excitation qu’elle se prend au jeu suivi d’un sentiment de culpabilité qui finit par la ronger. C’est ce double effet qui est déconcertant. On passe ainsi de l’élévation à la chute, de l’envie au regret. Finalement, on ne sait pas discerner le vrai du faux. Même si le récit raconte des faits réalistes et ordinaires.

L’écriture est simple, descriptive et parfois même ennuyante par son manque de caractère, sa pâleur. L’auteur donne de nombreux détails concernant l’environnement où elle vit, pendant les moments qu’elle partage avec sa famille et sur ses émotions. Le lecteur a donc l’impression d’assister au film de sa vie. Il n’y a que lorsqu’elle est sous l’emprise de drogue qu’elle nous dessine avec profondeur et magnificence ce qu’elle voit, ressent, entend. Ses sens en exaltation donnent à l’écriture une certaine maturité, un lyrisme inspirant pour l’imagination du lecteur.

Par ailleurs, ce témoignage évoque aussi la souffrance que peut engendrer le regard de l’autre, l’isolement et le sentiment de rejet, la pression que la société peut exercer sur les jeunes et leur avenir et ma méchanceté de ceux qui ont pu précipiter la chute de la jeune fille.

La fin du récit laisse songeur et à vrai dire elle a eu l’effet d’une claque. Sans dévoiler comment s’achève cette histoire, elle m’a interrogé sur la part de vérité de cette autobiographie. Est-ce que l’auteur nous livre tout ce qui se passe réellement ? Ou cache-t-elle des détails qui ont en fait leur importance ? J’ai pensé qu’elle se fourvoyait quant à sa dépendance. Qu’elle n’en parlait pas pour ne pas l’admettre. Et vous qu’en pensez-vous ?

J'ai appris récemment que ce "journal intime" était un faux. Il a été écrit par Beatrice Sparks, américaine mormone et psychologue. Elle a écrit d'autres vrais-faux journaux sur des thèmes à sensation : la drogue, le sida, les adolescentes enceintes, etc. dans le but de mettre en garde les jeunes sur les risques.

Personnellement, je n’ai pas perçu ce livre comme un plaidoyer anti-drogue, visant à détourner les jeunes de ce qui est souvent défini comme un danger. Ce livre est le récit d’une histoire fictive mais qui peut prendre toute sa place dans la réalité. Certes, le dénouement peut remettre en question les esprits et les tendances de certains mais je ne pense pas que s’en est le but principal. Il s’agit ici d’une histoire de vie heureuse et tragique mais qui ne reflète pas tant la chute effrénée d’une jeune droguée de quinze ans mais plutôt l’éloignement de la jeune fille, de la drogue après avoir frôlé le précipice. C’est mon avis contrairement à de nombreux autres points de vue que j’ai pu lire et qui rejoignent pour la majorité la première opinion. Raison pour laquelle la fin du récit m’a surprise. Laissant planer un mystère. C’est ça aussi qui fait le charme d’une histoire, quand un point final est suivi de questionnements, de doutes et ouvre des portes sur la réflexion. Je dirai de ce livre qu’il fait réfléchir plutôt que sensibiliser.

Quelques citations :

«J’ai dansé comme jamais je n’aurai pensé en être capable, je ne reconnaissais plus du tout la pauvre petite complexée, minable que je suis ! J’étais bien, heureuse, libre, abandonnée, un être différent et amélioré, dans un monde plus beau, plus parfait. C’était dingue ! C’était beau ! Vraiment fantastique. » P 44

« Je voulais être battue, déchirée, défoncée comme jamais. » P 80

« J’ai peut-être surmontée le plus mauvais moment. Je l’espère, en tout cas, parce que je sais que je n’aurai jamais la force ni la volonté de repasser par là. « P 92

« Je sais maintenant que je pourrai résister à la tentation de la drogue même si je me noyais dans du LSD. » P 178

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